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Parité dans l’entreprise : entretien avec Amine Oulahyane, Directeur régional des ressources humaines d’Atlas Copco Maroc

La question de la parité et de l’égalité ne doit pas être circonscrite au volet social qui vise à faire de l’égalité un «Nice to have» pour l’amélioration de l’image de marque d’une entreprise. Malgré les contraintes réglementaires qui limitent le travail de la femme dans le secteur minier, Atlas Copco Maroc arrive à faire progresser le travail des femmes.

La diversité des genres est souvent traitée uniquement comme un droit nécessaire. Mais chez Atlas Copco Maroc, l’égalité est un axe stratégique de la politique globale. Amine Oulahyane, directeur régional des ressources humaines, explique la politique de l’entreprise dans ce domaine.
 La parité est-elle aujourd’hui un leurre ou une réalité au sein de notre environnement économique ? A-t-on affaire toujours à un débat de société ou réellement à un enjeu stratégique et un levier de croissance pour les entreprises ?
Avant de traiter ce sujet sous un angle pratique, je me suis toujours attaché à la clarification des concepts pour être certain qu’on parle de la même chose. A chaque fois qu’on parle de la diversité des genres, les concepts égalité, équité, parité et mixité sont utilisés pour désigner la même problématique souvent peu maîtrisée par les acteurs qui sont supposés la gérer, mais cela n’est pas surprenant, encore moins choquant, car le sujet est par nature riche et multidirectionnel.
Dans un souci de simplification, l’égalité est un objectif à atteindre qui consiste à assurer l’accès des femmes et des hommes aux mêmes chances, droits et opportunités. Pour ce faire, plusieurs démarches sont envisageables. Du plus simple au plus complexe on peut parler sans pour autant être exhaustif de la mixité, de la parité et  de l’équité.
La mixité veille à ce que des personnes de sexe différent existent dans le même lieu de travail. On peut parler de mixité de coexistence (des métiers spécifiques selon les sexes) ; mixité aménagée (même poste, des tâches différentes) ; mixité indifférenciée (homme et femme effectuent les mêmes activités, les mêmes tâches). La parité quant à elle est souvent le résultat d’une décision visant beaucoup plus l’amélioration des statistiques que le développement du concept en lui-même. En d’autres termes, une décision qui répondrait dans certains cas à des critères d’image, de contrainte ou d’autres obligations externes.
En plus de la difficulté de s’approprier les concepts avec les bonnes grilles de lectures, la mise en œuvre souffre également de défis qui ne sont pas des moindres. La diversité des genres est souvent traitée uniquement comme un droit, ce qui est d’ailleurs très important, nécessaire mais loin d’être suffisant. Pour ne citer que ces mesures, l’adoption par le Maroc de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, la ratification et la publication de la CEDAW en 2001. Le traitement de la question dans l’article 19 de la Constitution ou même dans l’article 9 du Code de travail n’a pas empêché le Maroc de se classer 136e sur un total de 143 pays, selon le rapport du Forum de l’économie mondiale sur l’égalité homme-femme.
La question est également traitée sous son volet social qui vise à faire de l’égalité un «Nice to have» pour l’amélioration de l’environnement de travail et de l’image de marque des entreprises. Une action sociale comme ce qu’on voit dans les 8 Mars où l’égalité se résume aux cadeaux et à la fête quand elle est faite.  Bien évidemment, je ne critique pas ces actions, mais mon souhait est juste de préciser qu’elles ne sont que complémentaires. Car le vrai défi est d’être convaincu que l’égalité est une condition pour la création de la valeur et de richesses comme cela a été démontré par une  étude réalisée par McKinsey Global Institute en septembre 2015, selon laquelle la participation égale des femmes et des hommes dans l’économie peut faire augmenter le PIB annuel mondial de 28 milliards de dollars jusqu’en 2025, soit une croissance de 26 %.
Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le gain potentiel en termes de PIB annuel est estimé à 2,7 milliards de dollars, soit une augmentation de 47%. C’est ce langage-là que comprennent le mieux les chefs d’entreprises et les autres acteurs économiques.
 On peut dire pour le moment que ces questions de parité, de mixité et d’égalité sont encore dans les discours?
Le tableau n’est pas aussi noir que ce que pourrait laisser croire une première lecture des statistiques et des classements internationaux. Outre le cadre institutionnel ou légal, la société civile a démontré, via des projets sérieux, une réelle volonté de faire progresser la cause au Maroc. Des initiatives très intéressantes sont menées aujourd’hui par la Direction de l’emploi avec son projet trophée de l’égalité, l’AGEF en partenariat avec la GIZ pour son projet diversité des genres, la CGEM en partenariat avec MSI pour le projet Wad3iyati, Bébé du Maroc pour la parentalité, l’IMAS qui est une des premières associations qui a porté des projets diversité des genres au Maroc … et bien évidemment l’AFEM qui travaille continuellement sur des projets inclusifs. Quant aux entreprises, le degré d’implication diffère et les approches se multiplient.
 Vous êtes DRH dans une multinationale dont l’origine est la Suède, un pays modèle en matière d’égalité des chances. Quelles sont les actions que vous avez entreprises au sein de votre groupe ?
Atlas Copco Maroc est perçue sur le marché marocain comme une entreprise qui intègre l’égalité comme un axe stratégique de sa politique globale. Cela dit,  nous ne nous présentons pas comme une entreprise modèle qui donne des leçons aux autres, mais ce partage est une volonté d’apprentissage collectif car la communication des bonnes pratiques est un des leviers de la promotion de la diversité des genres. Nous avons réussi des choses, et nous sommes conscients que nous en avons raté certaines. Ce qui va suivre va vous donner une idée sur les actions que nous avons réussies totalement ou partiellement et qui sont toujours en amélioration.
Nous avons déjà des prérequis du Groupe Atlas Copco basé en Suède où la diversité des genres n’est pas un sujet à discussion, mais plutôt un levier de développement. Localement, nous avons commencé à travailler réellement sur la question avec des plans d’action documentés depuis plus de 10 ans. Ce qui nous a aidés à passer d’un taux de 10% à 23% de taux de féminisation que nous considérons comme un pourcentage satisfaisant dans notre secteur d’activité où l’intervention dans des mines concerne plus de 30% de nos effectifs de techniciens SAV avec les contraintes réglementaires qui limitent le travail de la femme dans le secteur minier. Cela dit et par souci de transparence, nous n’avons qu’une seule femme dans le comité de direction mais nous avons travaillé sur le futur où plus de 50% de la deuxième ligne sont des femmes. Cela est d’autant plus significatif que les standards du groupe est de recruter 85% des membres du comité de direction en interne. Le recrutement externe et la mobilité interne suivent une logique de transparence qui consiste à publier tous les postes vacants dans une plateforme interne appelée «Interna Job Market» avant de l’annoncer en externe. Nous avons l’obligation d’avoir au moins une femme short-listée pour éliminer les stéréotypes et la décision est toujours collégiale entre le DRH, le manager recruteur et le directeur général qui joue le rôle de ce qu’on appelle chez nous «Le Grand father principle». Comme on dit chez nous, à compétence égale, on choisit une femme. Telle est notre façon d’encourager l’équité via la discrimination positivement rationalisée.
Nous avons également travaillé sur la mixité et plus précisément la mixité de coexistence où le travail de technico-commercial a été pendant des dizaines d’années réservés aux profils ingénieurs hommes avec l’introduction de la première femme technico-commerciale dans la région Mena dans une activité précise. Nous avons géré pendant plus d’une année tout type de réaction externe beaucoup plus qu’interne qui penchait beaucoup plus vers la vigilance que la confiance. Deux ans après, la candidate qui était sujet à discussion a pu se positionner au niveau international dans une compétition groupe appelée  chez nous «League of Extraordinary Goal Getters» parmi les meilleures performeuses. Cette année et après plusieurs tentatives qui ont pris plus de six ans de travail de changement de mentalités, nous avons réussi à recruter notre première technicienne Service après-vente qui est dédiée à la mise en service, réparation et programmation des machines à haute technologie vendues par sa collègue déjà considérée championne dans sa catégorie.   
 Y a-t-il d’autres actions ou d’autres parcours féminins que vous avez valorisés ?
Nous avons créé également un groupe de femmes, appelé «Pleiades», qui favorisent le développement et l’épanouissement professionnel et personnel de nos employées femmes tout en assurant un équilibre vie perso/vie pro avec une flexibilité des horaires et un volume qui ne dépasse pas 40 h par semaine de présence dans les lieux de travail. Nous avons également un programme de «Female metorship programme» appelé «take a step forward» qui vise à identifier au niveau international des talents féminins pour les préparer à des positions de top management. Nous avons nommé deux collègues femmes marocaines dont l’une a déjà entamé le programme avec des séminaires ateliers de travail principalement en Suède et un mentoring assuré par un vice-président. Et pour finir sur une action symbolique, je pense que nous sommes une des rares sociétés qui réservent les places de parking sur la base du genre et non sur la base de la position hiérarchique. Vous avez bien sûr compris que seules les collègues femmes ont droit à ce dispositif symbolisant une forme de galanterie professionnelle.
Comme il ne suffit pas uniquement de planifier et de faire, il faut mesurer, contrôler et corriger. Nous avons un questionnaire anonyme (Insight) gèré par la maison mère via une tierce partie  garantissant l’anonymat et qui justement mesure en plus de la satisfaction interne et la loyauté… le GDI (le gender diversity index). En d’autres termes, l’état de l’égalité dans l’entreprise telle qu’elle est perçue par les employés. 
 Quel peut être l’impact de ces actions sur le quotidien des employés ?
Les acteurs passionnés par la diversité des genres, qui trouvent des difficultés dans le changement des mentalités et l’implémentation des processus, ne doivent pas baisser les bras. Il doivent juste se rappeler, à chaque fois que les freins se resserrent, que les grandes idées passent souvent par trois étapes. D’abord on se moque de vous, après quand on se rend compte du sérieux de votre projet ou on vous freine, mais c’est uniquement lorsque vous réussissez qu’on adopte vos idées.

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